13-04 Le château et le castet du 13ème siècle

Publié le 13 décembre 2025 à 21:11

Présentation des articles : Castex au 13ème siècle

Cet article et les cinq suivants vont tenter de décrire le village et la vie au village entre la fin du 13ème siècle et le début du 14ème, avant le début de la guerre de Cent ans.  C’est évidemment une gageure, car aucun document, aucun artefact archéologique local ne permet de justifier cette description. Néanmoins les trois références suivantes ont permis d’esquisser la vie quotidienne à Castex au 13ème siècle :

  • La société rurale gasconne au miroir des cartulaires (11èmes – 13èmes siècles) de Benoit Cursente (Article publié en 1990 au Congrès des historiens médiévistes de l'enseignement public supérieur)
  • Villages et bourgs de la Gascogne gersoise à la fin du Moyen-âge d'Anaïs Comet (Thèse de doctorat de l'Université de Toulouse – 2017)
  • La révolution agricole du 18ème siècle en Gascogne gersoise d'O. Perez. Son ouvrage commence par une présentation de la situation antérieure au 18ème siècle (étude parue en 1944 dans la Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest).

Même si on fait l’hypothèse que la vie quotidienne a évolué très lentement jusqu’au 18ème siècle, quelques autres références nous aiderons à éviter les inexactitudes. Le risque d’anachronisme reste élevé et certains aspects ont été reportés dans les descriptions à venir des 15èmes et 16èmes siècles, ou même dans celle du 18ème siècle, beaucoup mieux documentées.

Les six thèmes de cette description seront les suivants :

 

13-04 Le château et le castet

13-05 Le village transformé

13-06 La vie quotidienne

13-07 Les coutumes et les droits féodaux

13-08 L’élevage et les cultures de céréales

13-09 La culture de la vigne, la culture du lin et le tissage

Le château et le castet de Castex au 13ème siècle

 

Un contexte favorable mais incertain

On a déjà vu dans l’article 13-02 que les 12èmes et 13èmes siècles furent des siècles sans aléa climatique catastrophique et de très sensible croissance démographique.

La guerre entre le roi de France et le roi d’Angleterre dure depuis plus de cent ans, mais depuis la paix de Paris signée en 1259 entre Saint-Louis et Henri II, les hostilités ont cessé. La paix reste fragile. Philippe-le-Bel est roi de France depuis 1285. Il va rouvrir le conflit avec les Anglais dès 1294 à la suite d’un affrontement entre marins de Bayonne et marins bretons. La guerre qu’on a appelé la guerre de Cent ans, reprendra véritablement en 1337.

Jusque-là l’Astarac avait été épargné, mais l’insécurité règne. Lorsqu’il n’y a plus de terres à défricher, lorsque des cadets de familles ne trouvent plus à se placer, ne restent pour survivre que le vagabondage ou le brigandage en bandes. C’est ainsi que des bandes de brigands, de gens sans terre ni ressource, traversent les campagnes, rançonnent les paysans, s’attaquent aux marchands sur les chemins. La construction de châteaux, de forteresses, des remparts autour des bourgs est générale dans le royaume de France. Et les seigneurs sont les seuls recours pour assurer la sécurité des tenanciers dans les villages et des marchands sur les routes.

Néanmoins, globalement, les sujets du roi de France se sont enrichis. C’est au cours de ces siècles que les cathédrales gothiques ont été bâties avec les dîmes et les dons des fidèles. Les villes se sont développées. Des villes nouvelles ont été fondées, en particulier en Astarac (article 13-03).

Les seigneurs de Béon de La Palu depuis Arnaud Ier jusqu’à la guerre de Cent ans

(Sur cette période, la plupart des dates sont perdues)

Arnaud de Béon, seigneur de Castex depuis 1284, a eu quatre successeurs avant le déclenchement de la guerre de Cent ans. Forcés et contraints, les seigneurs de Castex se sont accommodés de la fondation de la bastide de Miélan à un peu plus d’une lieue de leur fief. Ni Arnaud, ni ses successeurs en titre ne résident au château de Castex, mais dans leur château de La Palu, au pied du castelnau de Moncassin. Ce château n’est pas encore le bâtiment d’aujourd’hui. Ne subsiste du château du 13ème siècle qu’une tour ronde. Les seigneurs de Béon placent leurs frères et sœurs, leurs oncles et tantes dans leurs autres châteaux, en particulier à Castex et à Armentieux (On écrira Armentieux pour le village, et Armentieu pour le titre des seigneurs de Béon).

 

1- Arnaud Ier de Béon de La Palu d’Armentieu a déjà été cité comme le donataire de la terre de Castex et des droits féodaux attachés (article 13-01). S’il a bien rendu un hommage lige au comte d’Astarac, comme c’était son devoir, Arnaud l’a suivi dans sa soumission au roi de France (article 10-05).

2- Arnaud II de Béon, fils d’Arnaud Ier, est qualifié de damoiseau. Il a ensuite été armé chevalier. Il est au nombre des seigneurs de la cour de Bigorre en 1292. Il a été plus tard jurat de la cour majeure1 de Rivière-Basse où les seigneurs de La Palu d’Armentieu possédaient le fief d’Armentieux. On rappelle que la vicomté de Rivière-Basse est alors un fief du comte d’Armagnac. En 1303 Arnaud II et Bernard, son fils ainé, accordent libertés, franchises et coutumes aux habitants d’Armentieux. On a vu (article 13-01) qu’en 1319 Arnaud II de Béon a acheté le territoire de Maumus à Bertrand, comte d’Astarac. On verra dans un prochain article qu’en fait Arnaud II a acquis par là la suzeraineté sur la seigneurerie de Maumus. Arnaud II, comme son père, est seigneur en Astarac, en Bigorre et en Armagnac.

 

[1] Les jurats, ou consuls, sont les membres du conseil des communautés, des villes ou des villages (article 13-02). La cour majeure ou cour majour, rassemble les délégués des conseils des communauté d’un territoire, ici de la vicomté de Rivière-Basse.

 

3- Bernard II de Béon, fils d’Arnaud II.  Il semble que Bernard, le fils ainé d'Arnaud II soit mort avant le décès de son père.

4- Pierre Ier de Béon, fils de Bernard II, épouse Comdor, fille de Géraud de Bilsan. Pierre Ier, ou son fils Bernard III, étaient seigneurs de La Palu, de Belloc, de Castex et autres lieux en l’année 1337, année convenue du début de la guerre de Cent ans.

5- Bernard III de Béon, fils de Pierre Ier. En 1338, il passe un contrat devant notaire avec deux marchands de Marciac qui s’engagent à construire un moulin sur l’Arros, à garnir ce moulin de deux meules à blé et de deux roues à foulon2. Il est convenu avec les deux marchands que les fruits, profits et revenus du moulin seront partagés par moitié, ainsi que les frais d’entretien, mais que pour ces derniers c’est Bernard de Béon qui fournira les bois nécessaires.

(D’après le Nobiliaire de Guyenne et de Gascogne – O’Gilvy – 1856)

[2] Où l’on voit qu’au 14ème siècle, il n’y avait pas que des moulins seigneuriaux que les tenanciers étaient contraints d’utiliser, mais également des moulins "commerciaux", et d’une certaine façon capitalistes, d’usage libre. Le texte ne dit pas sur le territoire de quelle communauté ces moulins ont été bâtis. Il fallait néanmoins, pour que les tenanciers s’y rendent, qu’ils ne soient pas taxés d’amendes en cas d’abandon du moulin banal de leur communauté.

Le moulin à foulon sert à fouler les tissus de laine ou de lin pour les assouplir et les dégraisser. La roue hydraulique du moulin à foulon entraine un axe qui comporte des ergots qui actionnent un marteau pilon en bois qui frappe les tissus. Pour le dégraissage on utilise de la terre à foulon, une argile particulière.

Le château et le castet de Castex

Dans les années 1290-1310, le château de Castex est donc habité par un ou plusieurs membres de la famille de Béon. Les seigneurs de Béon avaient un bayle (traduit par bailli en français) à Castex. Le bayle était leur représentant pour Castex et à partir de 1319 pour Maumus. Il faisait office de régisseur, il réglait les petits conflits de voisinage, il collectait les redevances. Il surveillait les travaux agricoles sur les terres du seigneur. Le bayle n’était pas nécessairement originaire de Castex. Il ne faisait pas non plus obligatoirement fonction de bordier pour les terres nobles du seigneur, qui couvraient alors une surface de 42 arpents, comme on l’a vu dans l’article 13-01. Il est probable qu’au cours de ces années une charte de coutumes écrite avait été concédée aux habitants de Castex, comme cela avait été accordé aux tenanciers d’Armentieux en 1303. Dès lors que la ville nouvelle de Miélan en possédait une, une charte était également devenue indispensable pour Castex. On reviendra en détail sur les coutumes villageoises dans l’article 13-07.

 

L’article 12-02 a proposé une hypothèse sur la localisation et la configuration d’origine du château et du castet de Castex. L’ensemble château-castet de la fin du 13ème siècle, n'est sans doute plus tout à fait celui des origines décrit dans l’article 12-02. Il a déjà vu passer de quatre à six générations d’occupants. Et même si Arnaud de Béon n’y résidait pas il a dû introduire des changements à son arrivée.

Le château proprement dit a peu évolué. Une porte d’accès au niveau du sol a pu être ouverte dans la façade Est. Il est peu probable qu'il possède déjà des fenêtres aux ouvertures des façades. Elles ne ferment donc qu'avec des volets. La toiture est peut-être désormais en tuiles canal car la couverture des maisons nobles de Gascogne passe du chaume ou du bardeau de bois à la tuile canal à partir du milieu du 13ème siècle. Au 17ème siècle, le baron d’Antin, seigneur des Affites, possédait au moins une tuilerie à Bernadets-Debat et une autre à Sarraguzan. Peut-être étaient-elles déjà en fonction à la fin du 13ème siècle. Par contre les carreaux de sol en terre cuite n’apparaitront qu’au début du 15ème siècle.

De son côté, le castet vit ses dernières années en tant que "caravansérail", tel qu’on l’a décrit à l’article 12-02. Les marchands ambulants vont petit à petit cesser de s’arrêter au castet pour aller tenir boutique au marché du jeudi de la bastide de Miélan, un peu plus tard au marché du mardi de la bastide de Trie. Et ce sont alors les signataires des paréages de ces bastides qui se partageront les revenus procurés par les marchés, et non plus les seigneurs de Béon.

Il y a toujours dans la cour, au début du 14ème siècle des bâtiments plus anciens appartenant au seigneur. Ses étables, écuries, et autres dépendances agricoles, la forge banale, le four banal sont toujours en fonction, installés comme on l’a vu plutôt sur le mur d’enceinte nord. Quelques locaux sont probablement habités en permanence.

Image 3D simulant une reconstitution hypothétique approchée du château et du castet de Castex. "Vue" depuis le nord-est virtuel

"Vue" depuis le sud-est virtuel

"Vue" depuis le nord-ouest virtuel

"Vue" depuis le sud virtuel

Craignant peut-être que ses tenanciers n'aillent se réfugier derrière les murailles de Miélan, le seigneur de Béon a accepté que ceux qui le demandaient occupent les espaces libres dans la cour fortifiée du castet, et même y construisent un ostal, une petite maison, un refuge, ou une remise pour y entreposer des réserves à l’abri. Ce sont les tenanciers probablement les plus aisés du village qui ont désormais des ostaux dans le castet. Pour bâtir et occuper un ostal, ils payent au seigneur un droit d’usage. De cette manière il se peut que le périmètre du castet ait été agrandi en direction du sud. Ce sont maintenant les murs arrière des ostaux, en terre, qui font office de rempart et de protection.

Cette configuration est attestée à Troncens dès 1318, vingt ans avant le début de la guerre de Cent ans, et durera jusqu’à la fin de la guerre, pendant près de quatre générations.  

Les ostaux du castet sont très simples, d’un seul niveau, et ne comportent qu’une seule pièce au sol en terre battue. Il n’y a pas d’autre ouverture qu’une porte d’accès. Ils sont couverts de chaumes de paille de seigle. La façade qui donne sur la cour est de dimension variable, par hypothèse entre 3 mètres et 7 mètres, en se basant sur les chiffres donnés par Guy de Monsembernard pour les ostaux du castet d’Aussat. La profondeur des locaux est uniforme, selon l’autorisation du seigneur. Ce sont principalement des remises, occupées temporairement en cas d’alarme.

Leur usage se prolongera pendant au moins quatre générations. Les propriétaires ont pu changer au cours des générations, ainsi que l’usage des locaux.

 

On retrouvera les seigneurs de Béon de La Palu pendant, puis après la guerre de Cent ans, et le château et le castet de Castex après la guerre de Cent ans.