13-01 Arnaud de Béon, seigneur de Castex

Publié le 21 novembre 2025 à 21:23

Cet article inaugure plusieurs articles consacrés au 13ème siècle. Le premier concerne l’année 1284 au cours de laquelle le village de Castex reçut un nouveau seigneur. Le suivant présentera les bastides d’Astarac, parmi lesquelles Miélan, qui fut fondée cette même année 1284. Les articles ultérieurs donneront une idée du village et de la vie des habitants de Castex au 13ème siècle, pendant la paix de Saint-Louis.

 

Donc une centaine d’années se sont écoulées depuis la construction du château de Castex (voir l’article 12-02). Et ce jour de l’an de grâce 1284 magnifique et puissant seigneur Géraud, comte d’Armagnac et de Fezensac, vicomte du Fezensaguet, reçoit son écuyer et damoiseau, Arnaud de Béon, seigneur de La Palu d’Armentieu, en son château de Vic-Fezensac pour la signature d’un acte notarié.

Nous sommes au dernier quart du 13ème siècle. Les laboureurs de Castex profitent d’un climat relativement favorable, mais l’optimum climatique du Moyen-âge, comme l’appelle les historiens du climat, va bientôt s’achever. La population du village a sensiblement augmenté depuis une centaine d’années.

Une grande partie du Languedoc et Toulouse ont été rattachés au domaine royal depuis 1271. Le roi de France y est représenté par son Sénéchal Eustache de Beaumarchais, et le roi d’Angleterre est à Bordeaux depuis 1154. La guerre de Guyenne et Gascogne, prémices de la guerre de Cent ans, dure déjà depuis plusieurs décennies. Mais en 1259 Louis IX et Henri III, roi d’Angleterre, ont signé un traité de paix. En 1284, la paix perdure.

Le seigneur des Affites est depuis au moins vingt ans le baron d’Antin. Le baron d’Antin est un des douze barons de Bigorre depuis le 10ème siècle. Ses terres sont principalement dans le comté de Bigorre. En fait il est coseigneur de la seigneurie des Affites avec le seigneur de Coarraze. Pour cette seigneurie le baron d’Antin est vassal du comte d’Astarac.

A Castex la famille du premier seigneur s’est éteinte, et en 1284 la seigneurie de Castex appartient au comte d’Armagnac, Géraud VI. La documentation ne permet pas de savoir ni quand, ni comment le comte d'Armagnac a pris possession de la seigneurie de Castex. Il n'est nulle part fait mention que Géraud aurait pu conquérir Castex par la force ou par un acte d'achat. Il est possible que la seigneurie de Castex lui fût échue par héritage ou par la dot de sa femme, fille du comte de Béarn et de Bigorre.

 

Castex entre dans l'histoire le 28 avril 1284

Donc, Arnaud de Béon de la Palu d’Armentieu se trouve en ce 28 avril 1284 à Vic-Fezensac, au château du comte d’Armagnac, Géraud VI, car on lit dans le Nobiliaire de Guyenne et de Gascogne :

« Le 4 avant les calendes de mai 1284, magnifique et puissant homme, messire Géraud, comte de Fezensac, Armagnac, …, donne, par acte passé devant Bernard Molerii, notaire public d’Armagnac, à noble messire Arnaud de Béon, son écuyer et damoiseau (nobili viro de Beo, scutifero et domicello suo), le territoire de Castets dans l’archidiaconé des Affites, avec toutes ses terres, vignes, bois, jusqu’à 42 arpents, lods et ventes et autres droits quelconques dépendant du territoire, ensemble la justice moyenne et basse, et ce en considération de grands et plusieurs services rendus audit seigneur comte par ledit noble de Béon. Cette donation est faite en la ville de Fezensac, en présence de Raymond de Montesquiou, seigneur de la terre Malérié, baronnie, Arnaud de Marrenx, seigneur de Montgaillard, et Pierre d’Antin, damoiseau ».

On a vu dans l’article 10-04 qui était Géraud VI, comte d’Armagnac, et son ambition de contenir l’expansion du comte de Foix, de Bigorre et de Béarn, tout autant que celle d’étendre son propre territoire.

Raymond de Montesquiou est un vassal du comte d’Armagnac, ainsi que Arnaud de Marrenx, seigneur de Montgaillard dans le pays d’Anglès. Pierre d’Antin est le fils du baron Raymond d’Antin et représente son père, seigneur des Affites.

La donation concerne "le territoire de Castets dans l’archidiaconé des Affites". Donc en 1284 le village a définitivement pris le nom de Castets. Si le château et le castet ont bien été édifiés au plus tard au 12ème siècle, cela fait au moins cent ans que les villageois vont "au castets" en 1284 pour la forge, pour le four à pain, pour rencontrer les marchands ambulants, pour payer les redevances au seigneur. A l’usage on ne va plus au castet, on va à Castets (voir l’article 12-02).

La donation du comte d’Armagnac est une donation en pleine propriété, avec tous les droits féodaux attachés, et non la concession d’un fief. Le comte d’Armagnac ne bénéficiera donc plus d’aucun droit féodal sur le territoire de Castex.

L’arpent est une mesure de surface, mais sa valeur n’était pas la même partout. Au 18ème siècle l’arpent de Miélan valait 114,9 ares. Rien n’indique que l’arpent de 1284 avait la même valeur, à une date où Miélan n’existait pas encore.

Arnaud, seigneur de Béon de La Palu d'Armentieu, le bénéficiaire

La famille de Béon est originaire du village de Béon dans la vallée d’Ossau en Béarn. Sa plus ancienne mention de noblesse date de 1204. Les armoiries de Béon sont identiques à celles des vicomtes de Béarn. Pourtant la filiation entre les Béon et les Béarn n’est pas établie de manière sûre et incontestable. Selon le Dictionnaire de la noblesse de La Chesnaye-des-Bois, le vicomte de Béarn Centule V donna la vallée de Béon en 1155 à son troisième fils Arnaud-Guillaume, qui prit le titre de seigneur de Béarn de Béon.  

Arnaud de Béon est né en 1223. Il est un fils cadet de Philippe de Béarn de Béon, gouverneur du pays de Foix. Sa grand-mère paternelle était une fille, pas clairement identifiée, de Roger III, comte de Foix, et de Chimène de Barcelone. Il serait donc apparenté aux comtes de Foix.

Armoiries de Béarn ainsi que

de Béarn de Béon

Arnaud s’est marié le 6 janvier 1269 avec Jeanne de La Palu, fille de Georges de La Palu, seigneur de La Palu, de Moncassin, de Belloc, de Naucillan, et d’Armentieu. L’ascendance de Georges de La Palu est inconnue. La seule référence aux seigneurs de La Palu antérieure à 1269 est datée de l’année 1174 où Guillaume de Lamaguière et Arnaud, son frère chevalier (miles), ont signé "dans la maison (domus) d’Arnaud de La Palu", sise dans le castrum de Moncassin, un acte de vente de leur héritage avec le consentement du comte d’Astarac.

Jusqu'à la fondation de la bastide de Mirande en 1281, Moncassin était une des résidences du comte d'Astarac. Au 12ème siècle il y avait trois coseigneurs à Moncassin, le comte d'Astarac, les Hospitaliers qui avaient un hôpital et un établissement agricole, et le seigneur de La Palu. Georges de La Palu faisait donc partie de la cour du comte d'Astarac, était un de ses plus proches vassaux, et Arnaud de Béon prit sa succession. Le château de La Palu se trouve au pied du village de Moncassin, aujourd’hui sur la commune de Belloc-Saint-Clamens.

Si Arnaud de Béon ajoute de La Palu d'Armentieu à son nom, c'est que Jeanne son épouse était l’héritière des titres de son père, et lui, Arnaud, un cadet de famille. Arnaud est le fondateur, par son mariage, de la branche de Béon de La Palu d’Armentieu, qui n'est pas la branche ainée des Béon. Seul son frère ainé pouvait hériter du nom "de Béarn de Béon" et du blason de Béarn.

Le blason des Béon de La Palu d’Armentieu était semble-t-il, écartelé aux 2 et 3 du blason de Béarn et aux 1 et 4 d’un autre blason d’origine inconnue. Sur une version il porte quatre amandes posées deux sur deux. Sur le blason de la façade du château de La Palu, d’une part le blason est à l’envers, d’autre part il ne porte que deux amandes cote à cote. Certains ont voulu y voir le blason des barons de Monstesquiou, mais celui-ci porte deux tourteaux l’un sur l’autre.

Armoiries supposées des

de Béon de La Palu

A droite sur la façade du château

de La Palu 

Armentieux (autrefois Armentieu) est aujourd'hui une commune du Gers dans le pays de Rivière-Basse, où se situent également Plaisance, Castelnau-Rivière-Basse et Maubourguet. Ce village était autrefois une seigneurie où se trouvait un "château". La vicomté de Rivière-Basse dépendait à l’origine du comté de Bigorre, absorbée comme on l'a vu dans le comté d'Armagnac du temps de Géraud VI (voir l’article 10-04). La bastide de Plaisance n'a été fondée qu'en 1322.

Ainsi Arnaud de Béon, vassal du comte d’Astarac pour son château de La Palu et la seigneurie de Belloc, vassal du comte d’Armagnac pour la seigneurie d’Armentieu, aura pour suzerain à Castex le baron d’Antin, vassal du comte d’Astarac pour la seigneurie des Affites, mais vassal du comte de Bigorre pour la baronnie d’Antin.

Belloc-Saint Clamens (autrefois Belloc) est une commune de l’Astarac, limitrophe de la commune de Moncassin. C’est aujourd’hui un petit village qui a eu jusqu’à 650 habitants au début du 19ème siècle. Naucillan n’a pas été identifié.

En 1284 Arnaud de Béon est écuyer et damoiseau du comte d’Armagnac. A partir du 12ème siècle écuyer et damoiseau sont synonymes. Un damoiseau peut-être, soit un aspirant chevalier, soit un titre donné à un noble non armé chevalier. Arnaud de La Palu n’est donc pas armé chevalier en 1284, alors qu’il est âgé de 61 ans. On ignore évidemment les services qu’Arnaud de Béon a rendu au comte d’Armagnac : don ou prêt d’argent, contribution d’un contingent de gens d‘arme, témoin en justice, …

Arnaud de Béon eut au moins quatre fils : Arnaud II qui lui succéda, Bernard Ier, Hugues, cité comme témoin dans l’acte de paréage de la fondation de la bastide de Marciac en 1298, et Bellus.

Trente-cinq ans après la donation du comte d'Armagnac, en 1319, le comte d'Astarac vend à Arnaud II de Béon de La Palu, fils ainé et héritier d’Arnaud, le territoire de Maumus. Le territoire de Maumus est contigu à celui de Castex et les seigneurs de Béon gèreront les deux territoires comme un seul jusqu’en 1789.

« Le 18 juin 1319 magnifique, remarquable, et puissant homme messire Bertrand, comte d'Astarac, vend, par acte passé devant Dominique de Banco, notaire public d'Astarac, à noble homme Arnaud de Béon, damoiseau, seigneur d'Armentieu et autres lieux, le territoire appelé de Maulmus dans le comté d'Astarac, avec la juridiction moyenne et basse et tous les droits en dépendant, et le territoire appelé de La Cassaigne avec semblables droits, pour le prix de 550 florins d'or pur de France. Cette vente est faire au château de Mirande, en présence de noble Antoine de Montesquiou, chevalier, Armand de Saint-Romain et Arnaud de Samazan, damoiseaux. » (Nobiliaire de Guyenne et Gascogne)

Maulmus, (Prononcé Maoulmousse, Mont Mauvais en gascon), aujourd'hui Maumus, a été rattaché avec le hameau d'Artigaux (autrefois Ortigos) à la commune de Sarraguzan en 1823. Une artigue était pour les Gascons un lieu défriché. L’emplacement de La Cassaigne n’a pas été retrouvé.

 

Pourquoi cette donation

Il semble probable que si Géraud d’Armagnac place Arnaud de Béon à Castex, ce n’est pas simplement une opportunité, mais que cette donation fait partie de ses intrigues pour contenir les ambitions du comte de Foix.

Arnaud de Béon, élevé probablement à la cour du comte de Foix, y a ses entrées ou au moins des parents. Devenu vassal du baron d’Antin, il participe à des réunions des barons de Bigorre. Enfin vassal, probablement vassal lige, du comte d’Astarac, il a ses entrées à la cour du comte à Mirande ou bien sûr à Moncassin. Arnaud de Béon serait ainsi devenu un agent informateur, peut-être un agent influenceur, du comte d’Armagnac entre Foix, Bigorre et Astarac.

 

L’archidiaconé des Affites

Le territoire de Castex est présenté dans le texte de la donation comme "dans l'archidiaconé des Affites", et non dans la seigneurie des Affites. La raison nous en échappe. On se souviendra que la seigneurie des Affites a été introduite dans l’article 10-02.

La création des archidiaconés remonte au 11ème ou au 12ème siècle. Ce sont des subdivisions religieuses des diocèses qui, eux, sont beaucoup plus anciens. Ces entités ont été rendues nécessaires par l'augmentation de la population et du nombre d'églises et de chapelles pendant la vague de défrichement de cette période. Les archidiaconés étaient placés sous l’autorité d’un archidiacre ou vicaire.

L'archidiaconé des Affites dépendait du diocèse d’Auch et était composé de la seigneurie des Affites, de la seigneurie de Puydarrieux (Puei-arrieus : Mont des Ruisseaux en vieux gascon), et de la seigneurie de Bonnefont. Ces seigneuries étaient toutes les trois vassales du baron d’Antin, mais également incluses dans le comté d’Astarac (voir l’article 10-05).  

L’archidiaconé comprenait les paroisses de : Miélan (bastide tout juste crée), Sadeillan, Castex, Barcugnan, Manas, Bastanous, Bernadets-Debat, Sarraguzan, Duffort, Trie (bastide tout juste crée), Fontrailles, Sadournin (siège de l’archidiacre), Lalanne, Vidou, Tournus-Darré, Puydarrieux, Lustar, Sentous, Bonnefont.

Les archidiaconés du diocèse d’Auch étaient au nombre de sept au 13ème siècle : des Affites et Reffites, du Pardiac, de l’Armagnac, du Magnoac, du Fezensac, de l’Astarac en deçà du Gers, de l’Astarac au-delà du Gers. D’après Jean François Bladé le pays des Reffites pourrait avoir été celui des communes de Chelle, Antin, Bonnefont, Estampes, Mazerolles, Fréchède, Estampures, rattachés au diocèse de Tarbes à une date non précisée.

Les archidiaconés ont été peu à peu remplacés par les archiprêtrés, l’archiprêtre étant le prêtre de l’église d’une ville d’une certaine importance ou celui de l’église principale d’une grande ville.  

 

Longue vie au nouveau seigneur de Castex. Les descendants d’Arnaud de Béon de La Palu d’Armentieu seront seigneurs de Castex pendant 500 ans.