Pour l’histoire des comtes d’Astarac, c’est Nicolas Guinaudeau qui nous accompagne. Il a publié en 2013 une étude de "La famille d’Astarac et la gestion du territoire comtal entre le début du 10ème siècle et le milieu du 16ème siècle" en complément de sa thèse consacrée aux fortifications villageoises de l’ancien comté d’Astarac.
                    Comte d'Astarac
Des débuts difficiles et contrariés
Le nom Astarac serait d’origine gallo-romaine, issu du nom Asteriacus, ou Asteracum, puis Asteirac au début du Moyen-âge. L'Astarac pourrait avoir été un pagus du territoire de la cité des Auscii, la civitas Augusta Auscorum gallo-romaine.
On a vu à l’article 06-01 que premier comte d’Astarac attesté vers 920 était Arnaud Ier Garcia, dit le Nonnat, fils cadet du duc de Gascogne, Garcie-Sanche dit le Courbé. Le comté comprenait alors le Pardiac et le Magnoac.
Mais l’Astarac du début du 10ème siècle est pauvre. Aucun bourg, des hameaux, de nombreuses mottes castrales, et une ancienne abbaye : Simorre. Selon la tradition cette abbaye aurait été fondée par Clovis au 6ème siècle. Mais l’abbaye ne figure dans les textes qu’à partir de l’an 817. Elle a été ravagée par les Vikings au début du 10ème siècle.
Arnaud Garcia fixe sa résidence à Mont d’Astarac, entre les rivières du Gers et de l’Arrats, où il fait bâtir une tour en bois sur une motte castrale. Quelques décennies plus tard il fait construire un château en dur au lieu-dit Castillon, à environ 2 kilomètres au sud de l’abbaye de Simorre. On ne connait pas plus les faits politiques ou militaires des comtes d’Astarac que ceux des comtes d’Armagnac, sinon par les traces qu’ils ont laissées dans les cartulaires des abbayes. Aux 10èmes et 11èmes siècles ces abbayes d’Astarac se trouvaient toutes à l’Est du comté, le long de la Gimone et de l’Arrats : Simorre, mais également Faget-Abbatial, Pessan, Saramon, et Sère.
Le comté d’Astarac, très pauvre, est cerné de voisins puissants, le comté d’Armagnac-Fezensac au nord, le comté de Toulouse à l’Est, les comtés de Comminges et de Bigorre au sud. Les premiers comtes d’Astarac ont alors cherché des alliances dans la vicomté d’Aure, à l’époque indépendante. Arnaud I Garcia d’Astarac maria sa fille Faquilène au vicomte d’Aure en lui donnant le Magnoac en dot. C’est ainsi que se forma la vicomté des Quatre Vallées : Aure, Neste, Magnoac et Barousse. Veuve après cinq ans de mariage Faquilène se remaria avec Raymond, comte de Bigorre.
Arnaud II Garcia, comte d’Astarac et petit-fils d’Arnaud I, épousa Talèse, sa cousine germaine, fille d’Aquilène et de Raymond de Bigorre. Il partagea l’Astarac entre ses fils.
                    Guillaume Arnaud reçu un petit Astarac, Bernard Arnaud dit Pelagos reçu en 1022 le comté de Pardiac et Garcia Arnaud la vicomté des quatre Vallée apportée par sa mère. On ne sait pas trop ce qui s’est passé entre 1022 et 1090, mais en 1090, Odon d’Aure, descendant de Garcia Arnaud rendait hommage au comte de Bigorre. L’alliance du comté d’Astarac avec la vicomté des Quatre Vallées fut alors définitivement perdue.
                    Limites approximatives du comté d’Astarac (couleur bleu) vers le milieu du 13ème siècle,
du comté de Pardiac (en jaune), de la vicomté de Magnoac (en vert).
Flèches rouges : déplacements du chef-lieu du comté. Traits jaunes : les châtellenies d’Astarac
(Fond de carte IGN)
Les territoires que j’ai attribués à l’Astarac dans le département des Hautes-Pyrénées méritent quelques explications. Ces territoires concernent les seigneuries de Fontrailles, Puydarrieux, Bonnefont et Renso. La seigneurie de Puydarrieux était au baron d’Esparros, vassal du comte de Bigorre pour Esparros, mais vassal du comte d’Astarac pour Puydarrieux. La seigneurie de Fontrailles était semble-t-il à une famille cadette d’Astarac. La seigneurie de Sadournin pourrait avoir été un franc-alleu. La seigneurie de Bonnefont était au baron d’Antin, vassal du comte de Bigorre pour la baronnie d’Antin, mais vassal du comte d’Astarac pour Bonnefont. Renso était le nom de la baronnie à l’origine de la bastide de Tournay. En 1307, année de la signature du paréage de Tournay, le baron de Renso était Bohémond d’Astarac. La possession de ces seigneuries a évolué de manière assez confuse au 14ème siècle. Néanmoins il faut noter qu’à compter de 1622 l’Election d’Astarac se prolongeait toujours en direction du sud-ouest jusqu’à Tournay.
A la recherche de nouveau appuis
Guillaume, le fils ainé d'Arnaud II Garcia, hérita ainsi d'un "petit Astarac". C'est ce Guillaume qui fonda le monastère de Sainte-Dode. Son petit-fils Bernard Ier fonda le monastère de Berdoues vers 1130, et son fils Sanche II celui de Boulaur en 1142. De petites agglomérations se bâtirent autour des abbayes. C'est également Bernard Ier et son fils Sanche II qui bâtirent les forteresses de Castelnau-Barbarens, Durban, Moncassin et Lasseube-Propre (La Seuva Propra en gascon qui signifie "la forêt noble") et développèrent les bourgades que l'on a appelées castelnaux autour d'elles. Les comtes d'Astarac étaient seigneurs ou co-seigneurs de leurs castelnaux (ou "châteaux neufs"). Désormais le fils ainé du comte héritait du comté dans sa totalité. Les cadets recevaient des terres allodiales ou des terres hors du comté sur lesquelles le comte avait des droits féodaux.
Durant la seconde moitié du 12ème siècle, au moins un comte d'Astarac et plusieurs de leurs fils participèrent à certaines croisades en Terre Sainte.
Bohémond, un des frères de Sanche II qui lui succéda, eut quatre filles, dont deux atteignirent l’âge adulte. Sa succession est mal documentée et complexe. La lignée des comtes d'Astarac s'est poursuivie après quelques péripéties par Bénétrix, la quatrième fille de Bohémond, mariée avec Vital de Montégut, un fidèle du comte de Comminges. Ce mariage inaugurait l’influence des comtes de Comminges sur l’Astarac, à tel point que Bernard IV, comte de Comminges, s’attribua jusqu’à sa mort le titre de comte d’Astarac.
Le fils ainé de Bénétrix et de Vital de Montégut, est Centulle Ier dit l’Illustre, marié une première fois avec la fille du comte de Comminges, puis avec Segnis de Lomagne. Il combattit dans sa jeunesse à Las Novas de Tolosa aux côtés du roi d'Aragon (1212), puis aux côtés du comte de Toulouse dans la croisade des Albigeois (1218-1219).
Après la soumission du comte Raymond de Toulouse au roi de France, Centulle fut contraint de faire de même. Il rendit hommage à Alphonse de Poitiers, fils de Louis IX. Louis IX le remercia en lui offrant le Fimarcon et quelques places en Agenais. En 1244 le viguier de Toulouse, au nom du roi de France, se porta dans les principales places fortes du comté d’Astarac (Castelnau-Barbarens, Durban, Moncassin, Lasseube) pour y faire reconnaitre la suzeraineté du roi de France. La sauvegarde du comté d’Astarac passait ainsi par l’appui du roi de France.
On verra dans le prochain article la complexité de la situation des comtes de Gascogne dans les années qui ont précédées la guerre de Cent ans. Et de fait, après le court gouvernement de Centule II, Bernard IV, son frère, rendit hommage en 1254 à Henri III, roi d'Angleterre et duc d'Aquitaine, puis en 1265 à Thibaut II, roi de Navarre, enfin en 1271 à Philippe III, roi de France et comte de Toulouse. Finalement Bernard IV combattit dans les armées du roi de France dans les années 1275 à 1285.
Il avait fondé en 1274 la ville de Masseube, la première bastide d'Astarac, en paréage avec l'abbé de l'Escaladieu qui avait une grange dans ce lieu. Puis il fonda la bastide de Pavie en 1281, en paréage avec Eustache de Beauharnais qui représentait le roi de France à Toulouse, et Mirande la même année 1281, en paréage avec l'abbé de Berdoues et Eustache de Beauharnais, puis Seissan en 1288 en paréage avec l’abbé de Faget-Abbatial. La justice royale s'implantait ainsi durablement en Astarac, car dans les bastides en paréage avec le roi de France, la justice royale se substituait à la justice comtale. Un prochain article sera plus particulièrement consacré aux bastides d’Astarac.
Mais Bernard IV eut de longs démêlés avec les abbés de Pessan, de Faget et surtout de Simorre. Il voulait les empêcher de bénéficier des droits féodaux que les abbayes possédaient sur des terres nobles du comté, et réclamait le droit de justice haute sur la ville de Simorre. Bernard IV envahit et ravagea le château de Lamaguère qui appartenait aux archevêques d’Auch. Puis Bernard IV fonda seul, sans paréage, en 1291 la bastide de Villefranche d’Astarac sur les terres de son château de Castillon, et décédait cette même année 1291.
Son fils Centulle III dû faire face au procès intenté par les abbés de Simorre devant le Parlement de Toulouse demandant réparation pour les dommages causés par Bernard IV et le plein exercice de leurs droits sur leurs terres. En 1288 le Parlement de Toulouse condamnait Centulle III à céder aux abbés le château de Castillon. Le jugement soustrayait également Simorre et ses dépendances, dont Sainte-Dode, au comté et les incorporait à la jugerie de Rivière (dont on parlera plus loin – article 13-02). Plusieurs seigneuries de l’Est de l’Astarac qui appartenaient à une branche cadette de la famille du comte furent alors également incorporées par le roi de France dans la jugerie de Rivière. Le jugement était exécutoire en 1297 et cette même année Centulle III déplaça le siège du comté à Mirande. Selon certaines sources, Centulle III rasa le château de Castillon avant de le quitter pour Mirande. Son père, Bernard IV, avait fait ériger un palais comtal à l’intérieur de la bastide, mais Centulle fit construire un château hors les murs. Il en reste une tour sur les quatre d’origine.
Dans le courant du 13ème siècle, les comtes d’Astarac se dotent enfin d’un embryon d’administration avec la formation de quatre châtellenies : Moncassin, composé de 66 fiefs, Castelnau-Barbarens, composé de 14 fiefs, Durban, composé de 28 fiefs, et Villefranche d’Astarac, composé de 20 fiefs. La seigneurie des Affites, de même que les autres seigneuries du sud-ouest de l’Astarac ne faisaient pas partie de ces châtellenies. Les bastides de Tournay fondée en 1307, et de Trie fondée en 1322, avaient un statut particulier dans la jugerie de Rivière qui a déjà été évoquée. Les principaux fiefs des seigneurs des seigneuries du sud-ouest étaient hors Astarac et relevaient de la suzeraineté directe du comte de Bigorre.
Le comte d’Astarac installa un bayle (appelé bailli au nord de la Loire) dans chacune des châtellenies de son comté et dans les bastides et castelnaux sur lesquels il avait des droits.
                    Tour du château d'Astarac (carte postale ancienne)
Le bayle rendait la justice moyenne et administrait les propriétés du comte. Il enregistrait les transactions et les successions. La justice d'appel relevait du comte. Le comte réunissait sa cour de damoiseaux (domnicelli) et de seigneurs (domine et milites, pluriel de miles) en son château de Mirande ou dans une de ses châtellenies.
Ainsi, alors que le comté d’Astarac était à peine plus pauvre que le comté d’Armagnac-Fezensac, les comtes d’Astarac du haut Moyen-âge ont mené une politique matrimoniale plutôt défensive au contraire de leur voisin du nord. Les comtes d’Astarac n’ont alors pas eu beaucoup d’autre choix pour la survie de leur territoire que d’accepter l’ingérence du roi de France sur leur comté.