10-02 Un seigneur à Castex

Publié le 29 septembre 2025 à 19:50

Comme partout ailleurs en Gascogne, entre les 10èmes et 11èmes siècles, les casalers de Castex vont se trouver placés sous "la protection" d’un seigneur. Plus tard, devenus simples tenanciers, ils négocieront leurs droits avec lui.

 

La seigneurie des Affites

On a vu dans l’article 09-01 le grand propriétaire de Sarraguzan construire au 9ème siècle une motte castrale. Il avait édifié à son sommet une fortification primitive en bois, entourée d’une palissade. Il avait pris en charge la défense de son territoire face aux menaces Vikings. Dans la période trouble qui avait suivi, lui ou un des successeurs avait pris l’initiative de rassembler des hommes, essentiellement ses casalers, pour maintenir un minimum de sécurité face aux bandes de mendiants, de brigands, de voleurs, de tueurs, qui parcouraient les campagnes. 

Au 10ème siècle, il est le maitre d’une seigneurie dont le territoire correspond de près ou de loin à celui du domaine gallo-romain de ses ancêtres directs ou indirects, plusieurs siècles auparavant. Cette seigneurie a pris le nom de seigneurie des Affites. Sa seigneurie avait-elle pour origine une vicairie ou viguerie des Affites au 8ème siècle ? A-t-il est nommé ou désigné, ou sa position simplement légitimée par le comte d’Astarac ? Impossible d’en savoir plus.

Car d'après l'historien Zacharie Baqué, la seigneurie des Affites faisait partie du comté d'Astarac, puisque l'archevêque d'Auch dut contraindre en 1227 le comte d'Astarac à lui rendre le produit des dîmes de la seigneurie des Affites qu'il avait usurpé.

 

Pour la plupart des historiens, la seigneurie des Affites est une sorte de marche entre le comté de Bigorre et le comté d'Astarac, ce qui correspondrait à la signification du mot "Affite", (pays) "entre deux", ou (pays) "aux limites". Nicolas Guinaudeau défini la seigneurie des Affites comme comprenant les territoires de Miélan (qui n’existe pas encore), Bazugues, Castex, Sadeillan, Bernadets-Debat, Sarraguzan, Manas et Bastanous, Lapeyre et Vidou. Selon ce périmètre, la seigneurie des Affites aurait couvert environ 7200 hectares, dont probablement, à l’époque, une forte proportion de forêts et de landes. Tous les historiens ne donnent pas le même périmètre à la seigneurie des Affites.

La seigneurie des Affites selon N. Guinaudeau

(fond de carte IGN)

Beaucoup plus tard, en 1622, sous Louis XIII, le pays des Affites fut administrativement inclus dans l'Election d'Astarac. En 1711 Louis XIV érigea la baronnie d'Antin et le pays des Affites en duché au profit de Louis-Antoine de Pardaillan de Gondrin, héritier des seigneurs d'Antin. En 1716 l’Election d’Astarac fut incluse dans la Généralité d’Auch. En 1789 le pays des Affites fut coupé en deux entre des départements des Hautes-Pyrénées et celui du Gers. On reviendra sur chacun de ces événements dans la suite des articles de ce blog.

 

La seigneurie de Castex

Revenons au Moyen-âge. On verra dans un prochain article que, dans le dernier quart du 13ème siècle, un document rédigé par le notaire du comte d’Armagnac indique qu’il y avait 42 arpents de terres nobles à Castex, et des droits féodaux sur tous les tenanciers du village. Il y avait donc un seigneur à Castex. Le scénario décrit dans ce paragraphe propose une hypothèse sur l’installation du premier seigneur de Castex, bien avant le seigneur dont il sera question dans le document du 13ème siècle.

On a vu dans l’article 10-01 comment les institutions féodales se sont peu à peu mises en place. Dans les seigneuries, au 10ème siècle, on parle désormais de casaux et de casalers. A Castex les trois casaux, le casal "du Midi", le casal "de Douat" et le casal de Ginoux, se peuplent graduellement. Ils ont même peut-être été fractionnés. Le nom de la parcelle dénommée "A Cazaux", au quartier du Midi, sur le livre terrier de 1729, pourrait être un vestige du casal du Midi de Castex.

Les casalers, sont devenus des sortes de petits notables. Parmi leurs subordonnés il y a des membres de leurs familles et de nouveaux arrivants des territoires voisins qui se peuplent également.

Les chemins de desserte des champs cultivés et des vignes se sont multipliés et allongés vers l’Osse au fur et à mesure de l’augmentation de la population et des surfaces défrichées. Un chemin a peut-être doublé le tracé ancien de la Ténarèze pour relier les maisons du casal du Midi et celles du casal de Ginoux.

On ignore de quelle manière les nouvelles dispositions de pouvoirs sont parvenues au niveau des casaux. Comment le premier seigneur du futur Castex a-t-il été reconnu comme tel ? Le seigneur de Sarraguzan y a-t-il apanagé un de ses fils cadets ou récompensé un fidèle ? Ou bien le casaler le mieux introduit auprès de son seigneur, ou le plus entreprenant, ou le plus rusé a-t-il manœuvré efficacement pour se faire désigner seigneur et participer à la défense ou au moins à la sécurité du futur Castex ? On ne saura jamais comment les choses se sont passées.

 L’hypothèse la plus vraisemblable serait que le casaler du casal dit "de Douat", le casal du centre, entre Ginoux et le Midi, fut le premier seigneur du futur Castex. Car on verra dans un article à venir que le château de Castex a été construit sur les terres présumées de ce casal. De même on verra qu’au 18ème siècle toutes les parcelles nobles du seigneur de Castex, sauf une, se trouvent au centre du village, entre le chemin du Moulat et Ginoux.

Mais le nom de ce premier seigneur du futur Castex est resté inconnu. Il faudra attendre la fin du 13ème siècle pour donner un nom au seigneur de Castex.

Ce casaler, seigneur du futur Castex, exploite sur son casal des terres pour son propre compte, sa "réserve", et en a concédé d’autres à ses subordonnés, bientôt ses tenanciers. Sa "réserve" va devenir terre noble. Les casalers des deux autres cazaux sont désormais des "subordonnés" du seigneur de Castex. Le nouveau seigneur de Castex se construit alors dans son casal une maison un peu plus vaste que celle des autres villageois. Ce n’est pas encore le château. Car entre 9ème et 10ème siècle, il n’y a pas encore de fortifications véritables.

 

Cette évolution, la désignation d’un seigneur entre les casalers, ne s’est probablement pas faite sans résistance, sans rivalités, puis peut-être avec jalousies et rancœurs. Peut-être en reste-t-il une trace au village. Car au quartier du Midi existe une parcelle appelée Seignouret (ou Segnouret), située entre le chemin de Devant et la route de Trie RD3. Sur cette parcelle se trouve une maison connue également sous le nom de Seignouret. Elle date de la seconde moitié du 19ème siècle. Mais elle a succédé à des maisons plus anciennes, toujours sous le nom de Seignouret. Seignouret signifie "Petit Seigneur". L’ancienneté de ce nom et son origine ne sont pas connues. Cette parcelle pourrait avoir été le lieu où se trouvait la maison du casaler du casal du Midi, qualifié de "petit seigneur", seigneur des subordonnés de son casal, mais pas seigneur du lieu. Est-ce un hasard si la parcelle appelée "A Cazaux" se trouve en face de Seignouret, du coté ouest de la route RD3 ? Cette hypothèse suppose que la toponymie de ces lieux se soit transmise depuis le plus haut Moyen-âge. Il est possible aussi que cette dénomination soit plus tardive et désigne la maison d’un tenancier-propriétaire à la tête de plusieurs métairies, au train de vie "seigneurial".

 

On a vu dans l’article 10-01 que la condition particulière du casaler s’est peu à peu estompée et confondue avec celle de ses anciens subordonnés. A partir de la fin du 12ème siècle tous les hommes libres sont des tenanciers à égalité de droits, qui doivent des redevances et des services à leur seigneur en contrepartie de la protection qu’il leur procure et de droits qu’il leur concède. Les situations du seigneur et de ses tenanciers seront exposées en détail dans plusieurs articles consacrés au 13ème siècle.

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