Après les colons issus de l’empire romain, arrivent au début du 5ème siècle une vague de colons "barbares" : les Wisigoths. Quelques décennies plus tard, le dernier empereur romain sera déposé.
Pour décrire la condition des colons des derniers temps de l’empire romain, j’ai emprunté à François Ganshof, un historien belge spécialiste du Moyen-Âge, un article qu’il a écrit en 1945, consacré au "Statut personnel du colon au bas-empire".
La fin de l’empire romain voit également les débuts de la christianisation en Novempopulanie. Marie-Geneviève Colin a publié en 2008 un texte sur "Christianisation et peuplement des campagnes entre Garonne et Pyrénées entre 4ème et 10ème siècle" dont je me suis inspiré.
Les Aquitains avaient connu de longues périodes de calme, loin du limes qui marquait la frontière de l’empire avec les barbares. La sécurité était assurée par l'Empire romain. Puis la situation a changé. Des migrations de barbares venus de l’Est ont traversé l’Aquitaine, sans s’arrêter, mais dévastant les villas gallo-romaines sur leur passage. On cite une première invasion de 275 à 282, des reconstructions, puis les Vandales en 409-410. Les armées romaines étaient occupées ailleurs, sur le limes, et des bandes incontrôlées de brigands ont commencé à circuler. Le passage des clans de barbares venant de l’est a provoqué ici ou là des épidémies. Il semblerait néanmoins que le futur Astarac, isolé et en dehors des principales voies de communication, soit resté à l'écart des invasions.
Par ailleurs, l'impôt dû à l'Empereur ne cessait d'augmenter pour financer les campagnes militaires face aux invasions barbares. Entre les 3èmes et 4èmes siècles le statut des colons a commencé à évoluer. Face aux augmentations d’impôts et à une insécurité croissante, les colons ont commencé à gager leurs terres auprès des grands propriétaires aristocrates en échange d'une garantie de sécurité. Ils devaient alors à ce propriétaire une redevance annuelle prélevée sur leurs récoltes. C'est ce propriétaire qui payait ensuite l'impôt à l'empereur. Les propriétaires ont peu à peu interdit aux colons de quitter leur terre. Au 4ème siècle la loi romaine a codifié ce nouveau statut des colons, statut qui s'est généralisé à toutes les provinces de l’empire. Le colon ne pouvait plus vendre sa terre sans l'accord du propriétaire auprès duquel il s'était engagé. Lorsque celui-ci la mettait en vente le colon et sa famille faisaient partie de la vente. On se rapproche beaucoup de la condition future des tenanciers du Moyen-âge.
Puis la situation des colons s'est encore détériorée, alors que la population agricole commençait à baisser. Au 5ème siècle on distingue deux niveaux de colonat, l'un subordonné à l'autre, la condition du subordonné étant proche de la servitude. Le maitre est responsable des actes des subordonnés. Ces derniers ne peuvent porter aucune action en justice contre leur maitre. Les colons subordonnés pouvaient être "libérés" par leur maitre soit par testament, soit par écrit devant témoins. Les sanctions infligées aux déserteurs les réduisaient à l'état de serfs. En dehors des colons subsistait également un statut d'agriculteur libre. Il ne semble pas qu’il y eut un développement significatif de la condition de serf dans la future Gascogne.
C’est également dans cette époque troublée que la christianisation des campagnes de Novempopulanie a débuté. Durant les siècles de la romanisation, les Aquitains avaient adapté leurs dieux ancestraux aux dieux romains. Néanmoins la célébration des dieux-empereurs était restée cantonnée aux cités. La christianisation est attestée au tout début du 4ème siècle lorsque les principales cités, à commencer par Eauze, puis Auch, deviennent des évêchés. L'évêque est toujours un aristocrate gallo-romain. Les premiers chrétiens sont des urbains éduqués. Dans les premiers temps ils sont encore périodiquement persécutés. Dans les années qui suivent la conversion de l'empereur Constantin en 313, la communauté chrétienne s'organise en diocèses, sur les mêmes périmètres que les circonscriptions administratives de l'empire romain. Les premiers édifices cultuels datent de la fin du 4ème siècle.
La nouvelle religion se répand le long des voies romaines, à partir des cités, puis dans les villas des grands propriétaires. Ces derniers édifient des chapelles "privées" sur leur domaine qui deviendront les premières chapelles des hameaux. Les seules églises baptismales du diocèse d'Auch sont alors celles d’Auch et de Tarbes. La christianisation dans les campagnes sera très lente, et l'arrivée des Wisigoths en Novempopulanie à partir de 416 ne modifie pas le mouvement.
Le royaume wisigoth
Les Wisigoths traversent l’Italie et prennent Rome en 410. Pour les éloigner, l’empereur leur permet en 416 de s'installer en Novempopulanie et en Aquitaine Seconde avec mandat d'y maintenir la paix et de repousser les éventuelles invasions. Ils établissent leur capitale à Toulouse. Les Wisigoths n'ont rien changé à l'administration romaine. Les rois wisigoths adoptent le droit et la législation romaine. L'aristocratie wisigothe était une aristocratie militaire et non de propriétaires.
Contrairement aux Francs au nord de la Loire, les Wisigoths ont régné en bonne intelligence avec les aristocrates et grands propriétaires gallo-romains. Ceux-ci ont conservé leurs biens et fréquentaient la cour des rois wisigoths. Ils avaient été accueillis avec crainte jusqu'à la signature du foedus en 418.
On dit qu'environ 100 000 wisigoths se sont installés dans le sud-ouest, les propriétaires terriens ayant obligation de leur céder, selon le contrat passé avec l'empereur, un tiers de leurs terres. Par contre les historiens ne peuvent pas dire si le foedus a permis aux Wisigoths de confisquer des terres à leur profit ou s'ils ont principalement levé des impôts. Le seul fait à peu près certains est qu'il y eu des colons selon un statut incertain, probablement le statut des colons gallo-romains des dernières années de l'empire.
D'après plusieurs sources la race de vache Mirandaise, dite aussi Gasconne auréolée, serait originaire des steppes d'Asie Centrale, apportée par les Wisigoths dans leur migration au 5ème siècle. Pour qu'une race de bovins se soit implantée en Gascogne, il fallait que l'apport soit en nombre suffisant, et que la région soit isolée pour éviter les croisements avec des races autochtones. Il est avéré que la vache mirandaise a été de tout temps l'animal de travail dans les campagnes du sud de la Gascogne.
Les Wisigoths sont ariens, donc hérétiques pour l'église de Rome. Cette hérésie était sans doute peu compréhensible dans les campagnes, mais les évêques se sont alors efforcés de durcir le contrôle des communautés chrétiennes de leur diocèse. En effet les desservants de nombreux oratoires et petites églises privées qui s'étaient développées dans les nouvelles communautés converties, restaient nommés par les aristocrates des grandes propriétés et placés sous leur autorité.
Selon certains auteurs, Sainte Quitterie serait d'origine wisigothe née dans une famille arienne, et Sainte Dode, une de ses "sœurs", au moins en religion, d'origine gallo-romaine. L'origine des églises qui leur sont dédiées seraient datées du 5ème ou du 6ème siècle, le plus souvent associées à des fontaines miraculeuses.
Conformément à leur engagement, les Wisigoths combattent les Huns en 451 aux cotés des troupes romaines et gauloises. Après la disparition du dernier empereur romain en 476, les Wisigoths s'emparent de l'Aquitaine Première et de l'Hispanie romaine. Leur royaume est alors immense de la Loire au centre de l’Espagne. Mais ils n’ont jamais occupé la Narbonnaise. Après la disparition de l'empire romain, les titres nobiliaires d’origine romaine, en particulier celui de sénateur dont les détenteurs se glorifiaient, disparurent. La seule survivance fut le titre d'évêque que les familles aristocratiques ont alors recherché.
En dehors de la vache mirandaise, il reste quelques traces du règne des Wisigoths dans le secteur de Castex. Gouts, écart de Miélan, est un nom de lieu attribué à la présence d'un hameau agricole, propriété d'un colon wisigoth. Les noms de lieux qui se terminent par –ens, comme Troncens serait d’origine wisigothe. Le canal d'Alaric dans la plaine de Tarbes serait également d'origine wisigoth, mais pas la bastide de Rabastens de Bigorre fondée seulement en 1306 par Guillaume de Rabastens, originaire du (futur) département du Tarn.