03-01 En Novempopulanie

Publié le 23 juillet 2025 à 11:32

Notre histoire commence avec la création de la Novempopulanie en 297 après J.C. La Novempopulanie deviendra la Gascogne quelques siècles plus tard. Castex, du moins sous le nom de Castex, n’existe pas encore.

 

C’est Publius Crassus, un lieutenant de César, qui avait conquis l’Aquitaine en 57-56 avant J.C., alors que Toulouse était déjà romaine, intégrée dans la province de la Narbonnaise. En 27 avant J.C. l’empereur Auguste avait organisé la Gaule romaine en quatre provinces, dont une Grande Aquitaine qui allait de la Loire aux Pyrénées. Bordeaux fut la capitale de cette province à partir de 70. Tous les hommes libres de l’empire romain sont citoyens romains depuis l’an 212. Les cités de Gaule sont la plupart du temps les anciens oppidums des tribus, et le territoire qui leur est rattaché celui de cette tribu. Les territoires sont divisés en pagi. Les cités sont administrées par des magistrats élus par l’assemblée des hommes libres et un sénat. Ce mode d’administration durera en Aquitaine jusque dans les premières années de la conquête Franque.

En l'an 297, l’empereur Dioclétien divisa la Grande Aquitaine en trois parties. L’une d’entre elles, la Novempopulanie, ou Aquitaine Tierce, avait Elusa (Eauze) pour capitale et comprenait approximativement tous les territoires du sud de la Garonne. Aucun texte ancien ne nomme les "neufs peuples" de la Novempopulanie. Par contre sont clairement nommées au 5ème siècle les douze cités de ce territoire : Dax, Bazas, Eauze, Auch, Aire, Lectoure, Tarbes, Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand de Comminges), Lugdunum Consoradonum (Saint-Lizier), Lescar, Oloron, Biganos. Auch (Elimberri pour les Aquitains, Augusta Auscorum pour les Romains) était la capitale de la tribu des Auscii. 

Les principales cités gallo-romaines sont toutes situées au nord de la Novempopulanie ainsi que les voies romaines est-ouest qui les reliaient : Aire, Eauze, Condom, Lectoure, Vic, Auch. Les cités principales eurent certaines jusqu'à 10 000 habitants. L'espace central, entre une ligne Auch – Eauze – Aire au nord, et une ligne Lescar – Tarbes – Saint-Bertrand au sud, ne comportaient aucune agglomération.

 

En 297, la conquête romaine est de l’histoire ancienne : trois siècles, ou douze générations. Jules César avait écrit : "L’ensemble de la Gaule est divisé en trois parties, dont l'une est habitée par les Belges, l'autre par les Aquitains, la troisième par ceux qui, dans leur langue, se nomment Celtes, et dans la nôtre, Gaulois. Ces trois peuples diffèrent entre eux par le langage, les institutions et les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par la Garonne, des Belges par la Marne et la Seine… L'Aquitaine s'étend de la Garonne aux Pyrénées, et à cette partie de l'Océan qui baigne les côtes d'Espagne ; elle est entre le couchant et le nord."

Rectifions : Jules César a rassemblé trois peuples, les Belges, les Gaulois et les Aquitains dans un ensemble qu’il a appelé la Gaule. 

 

Fi des Gaulois, parlons des Aquitains. Il existe encore de nos jours deux théories sur l’origine des populations d’Aquitaine. Pour les uns les Aquitains sont des Celtes, proches des celte-ibères. Pour les autres ce sont des proto-basques. L’exégèse des textes anciens n’a pas permis aux historiens de trancher entre les deux versions. Il semble en tout cas avéré que les peuples aquitains avaient des relations importantes, des liens familiaux fréquents entre familles aristocratiques, avec les peuples celte-ibères du versant sud-ouest des Pyrénées. Ces liens dureront au moins jusqu’au milieu du 12ème siècle.  

Selon les auteurs latins, y compris Jules César, la langue des Aquitains était différente de celle des Gaulois du nord de la Garonne. Selon certains historiens modernes, ce langage aurait été apparenté au basque. On parle de proto-basque. Selon d’autres le proto-basque était parlé plutôt dans les territoires proches de l’océan. En 297 la langue d’origine des Aquitains est passablement oubliée. Les aristocrates aquitains romanisés se sont donné des noms à la romaine en trois éléments – prénom, nom, surnom. On parle latin, ou un latin batard. Cette langue a peu à peu évolué vers la langue gasconne. Selon les linguistes, les villages gascons dont le nom se terminent en -an (de -anus issu du latin) et en -ac (de -acus ou -acos issu du gaulois) ont tous pour origine une implantation soit romaine, soit gauloise romanisée. Ceux dont le nom se termine en -os ou -osse (ou -ués en Aragon et Navarre) ont conservé leur origine aquitaine. C’est probablement le cas des deux rivières qui coulent à l’est et à l’ouest de Castex ; l’Osse, autrefois Losse, et le Bouès, autrefois le Buès, prononcé Bouaiss.

 

Au cours des quatre siècles de l’empire romain, la Novempopulanie se transforma profondément avec l’arrivée de colons gaulois du nord de la Garonne, et de colons romanisés de la Narbonnaise, avec la construction de "voies romaines", de villas "à la romaine" au centre de domaines de plusieurs centaines, voire de milliers d'hectares, de monuments "romains" dans les principales cités.

Vers le milieu du 5ème siècle, le moine de Lérins Salvien évoquait ainsi la Novempopulanie : "Tout le pays est couvert de vignes, et de fleurs poussant dans les prés, couvert de champs cultivés, planté d’arbres fruitiers, embelli par les bosquets, arrosé de sources, entrecoupé de fleuves, couvert de récoltes barbues, si bien que les propriétaires et les maîtres de cette terre semblent en possession non pas d'une partie de la terre mais davantage d'une image du paradis." (De gubernatione Dei, VII, 8).

Cette évocation est sans doute embellie, surtout au 5ème siècle, alors que les premières invasions barbares sont déjà antérieures de plus d'un siècle.

Il existait probablement avant la conquête romaine plusieurs routes, ou chemins, reliant les oppidums des Aquitains. Seule la mémoire de l’une d’entre elles a traversé les siècles. Elle reliait Bordeaux (Burdigala) à un passage vers l’Espagne, probablement jusqu’au Rioumajou où se trouve un hospice très ancien, avant la montée au Port d'Ourdissetou. Elle suivait la ligne de séparation des eaux entre le bassin de l’Adour et celui de la Garonne. Il n’y avait donc pas de gué à traverser, et pas de péage. On appelle aujourd’hui ce chemin antique la Ténarèze, mais dans les villages qu'il traverse, il est fréquemment appelé le "chemin de César", bien que César n'y soit pour rien.

La Ténarèze a été entretenue et parcourue depuis l’antiquité jusqu’aux temps modernes, mais elle ne reliait aucune des cités principales de Novempopulanie. La voie principale de Novempopulanie vers l’Ibérie partait d’Eauze vers Aire, Lescar, Oloron et le col du Somport.

En rouge les voies romaines de Novempopulanie - En noir la Tenarèze

(Fond de carte IGN)

 Les voies romaines, ainsi que la Ténarèze en moindre mesure, supportaient un trafic de marchandises, de courriers officiels, de percepteurs, d’aristocrates qui voyageaient entre leurs villas et les cités. On trouvait à intervalles réguliers des sortes de relais, et plus espacés des gites d'étape pour hommes, chevaux et marchandises. On acheminait des grains, du bois, du vin, des marbres des Pyrénées, en particulier de Saint-Béat, du fer, de la poterie de terre cuite, etc. Loin du limes germanique, il n'y avait pas encore de fortifications, et peu de garnisons militaires.

On reviendra sur la Ténarèze avec davantage de précision, car ce chemin antique traverse le village de Castex et a probablement joué un rôle important dans son histoire.

L'autre voie nord-sud, parallèle à la Ténarèze, qui reliait Agen, Auch et Lugdunum Convenarum est décrite parmi les "Itinéraires d'Antonin", datant du 3ème siècle. Comme la Ténarèze, c'est une voie de crète et non pas de fond de vallée.

L’espace central de la Novempopulanie n'était pas vide, mais couvert de grandes propriétés aristocratiques, comme le reste de la Gaule. Au centre de ces propriétés s'étaient élevées des villas "à la romaine", certaines immenses et somptueuses, comme celle de Séviac près d'Eauze, ou celle de Montmaurin dans le Magnoac. Villas à proximité des rivières dans les plaines alluviales, ou au-dessus des coteaux abrupts, dominant les plaines. Autour des villas se groupaient les habitations des esclaves domestiques et celles de laboureurs plus ou moins affranchis, mais aussi les maisons de ceux que l'on appellera plus tard des artisans : forgerons, cordonniers, maçons, charpentiers, tuiliers, ... Et sur les vastes propriétés de ces villas, des laboureurs libres, ou des colons, habitaient dans de petits hameaux dispersés, que l'on a appelés granges dans les cartulaires du Moyen-âge. Colons de Narbonnaise, immigrés avec leurs familles, colons gaulois du nord de la Garonne, enfin colons "métissés" avec les autochtones. La villa, son environnement proche et ses granges dispersées formaient des unités agricoles quasi autarciques. Les propriétaires étaient pour partie autochtones, pour partie d'origine gauloise, et s'étaient donné des noms latins à la romaine. L'une des plus proches villas de Castex devait se trouver près de la Baïse là où se situe la chapelle de Saint-Clamens (au nom d'Antistius). Il y en avait également peut-être une à Sadeillan (du nom de Sadellanus selon Guy de Monsembernard), et une autre à Antin (du nom d’Antinus ou Antinius), une également à Sarraguzan, comme on le verra plus loin.

De multiples chemins reliaient villas et colonies entre elles : nord-sud parallèles aux coteaux, et est-ouest perpendiculaires aux coteaux. Et la Tenarèze faisait un peu fonction d’autoroute vers les grandes cités du nord, jusqu’à Burdigala-Bordeaux.