Aucun document ne permet de décrire la réalité de l’origine du village de Castex. On propose donc l’interprétation d’une origine vraisemblable sur la base de rares indices.
Le nom du village de Castex, issu de Casteth ou Casteths en gascon, n’est pas un mot d’origine latine, comme Sadeillan, ni d’origine wisigothe comme Troncens. Ce n'est pas non plus le patronyme d'un seigneur. Le village n'a pas non plus donné son nom à un seigneur. Casteths est un mot gascon signifiant " château" ou " fortification".
Or les fortifications, les maisons fortes, datent au mieux du 10ème ou du 11ème siècle, le début de la période féodale. Alors Castex, ne serait-il qu'un village neuf, une communauté neuve fondée au 10ème ou au 11ème siècle ? Cela semble peu probable. Dès avant la conquête romaine le territoire qui deviendra celui de Castex est traversé par la Ténarèze, le Chemin de César, dont on a déjà parlé, et n'est donc pas complètement isolé.
Si le village avait été fondé au cours de la période "vasconne", entre 6ème et 8ème siècle (voir l'article 06-01), peut-être serait-il connu aujourd’hui sous une dénomination d’origine gasconne antérieure à la période féodale. La plupart des villages alentours ont des noms d’origine gasconne : Sarraguzan (traduit du gascon par la colline pointue), Bernadets-Debat (traduit par la petite aulnaie du nord), Forcets (autrefois prononcé hourcets, traduit par le petit bois, ou le bosquet), Mazerolles (traduit par les masures). Si tel avait été le cas, Castex aurait vraisemblablement conservé un nom gascon à moins d'une évolution de configuration importante. Alors, avant de s’appeler Casteths, le village d’origine avait-il un nom d’origine gallo-romaine ?
Du fait qu'aucune trace n'a été retrouvée permettant de connaitre l'origine de Castex, il faut l'imaginer avec le peu d'éléments en notre possession. Pour cela on s’appuiera sur des vestiges gallo-romains trouvés à Sarraguzan et sur la topographie des chemins les plus anciens.
Une villa gallo-romaine à Sarraguzan
On ne sait rien du peuplement éventuel du territoire de Castex avant la conquête romaine. Des fouilles archéologiques ont mis au jour des traces d'un peuplement paléolithique plus au nord, sur le futur territoire de la bastide de Miélan. Il est probable que des implantations d’Aquitains antérieurs à la période gallo-romaine existaient tout au long de la Tenarèze, mais il n’y a ni vestige d’oppidum, ni vestige de village.
Aux premiers siècles de l'ère chrétienne, la DRAC Occitanie compte 28 sites en Astarac en relation avec des villas gallo-romaines. Il y aurait eu dans les environs du futur Castex plusieurs villas et sans doute des colonies en dépendant. Sadeillan serait un village issu de la villa d'un Sadellanus, le village d'Antin issu de celle d'un Antinus. On a trouvé à Sarraguzan des traces d'une implantation gallo-romaine, et l’on sait qu’aux 12ème – 13ème siècles, le seigneur de Sarraguzan possédait une vaste seigneurie incluant des territoires entre le Bouès et l’Osse. Il y avait donc peut-être sur le territoire de Sarraguzan un aristocrate gallo-romain qui se serait fait construire une maison à la mode romaine, qui exploitait plusieurs colonies, et dont les descendants devinrent plus tard seigneurs de Sarraguzan. Ce n'est qu'une hypothèse car il n'y pas plus de vestiges d'une villa à Sarraguzan qu'à Sadeillan ou à Antin.
En effet l'abbé Cazauran écrit dans les notes du cartulaire de Berdoues : "Au-dessus de la porte d'entrée de l'église de Sarraguzan se trouve un panneau sculpté en marbre blanc avec des pilastres cannelés sur les cotés et un entablement torsadé reposant sur des chapiteaux ouvragés. Ce vestige gallo-romain provient du cimetière au pied de la motte castrale de Sarraguzan, où d'autres vestiges gallo-romains ont été trouvés. La croix centrale est moderne."
D'autres villas plus ou moins riches se trouvaient dans les plaines fluviales proches de l'Arros, de la Baîse, et de l'Osse. La Tenarèze était une voie de "grand" passage, et ces villas étaient par ailleurs reliées par des chemins secondaires, chemins de serres sur les crêtes, et chemins de traverses d’Est en Ouest à travers les coteaux.

La Tenarèze traversait Castex
Dans le secteur de Castex, la Tenarèze passe à Bassoues, Saint-Christau, Laas, Miélan, Castex, Bernadets-Debat, Lapeyre, Vidou, puis se dirige vers Capvern et la vallée de la Neste. De Bassoues à Miélan l'actuelle route départementale RD156 suit à peu près son ancien tracé. On l’appelle à Laas et à Miélan le chemin de César.
Par contre, entre Miélan et Bernadets-Debat, la route départementale RD3 qui traverse Castex, est un tracé qui serait postérieur au 14ème siècle. On en verra la raison dans un article à venir. L’abbé Cazauran, toujours dans les notes du cartulaire de Berdoues, nomme "l’ancien chemin de Miélan" un chemin vicinal situé environ 300 mètres à l’Est de la route RD3. Cet ancien chemin ne serait autre que le tracé originel de la Tenarèze. Il longe la petite chapelle de Forcets, fait un coude en direction de l’ouest à la limite entre les communes de Miélan et de Castex, puis immédiatement après un second coude en direction du sud, et s’évanouit 180 mètres plus loin. Le "Chemin de César", comme on l’appelle à Castex, reprend environ 2 km plus au sud, à partir d’un chemin Est-ouest appelé le chemin du Moulat. Sur la commune de Bernadets, ce chemin est nommé "chemin Vieil". Le tracé de la Tenarèze est donc interrompu en traversant les parties nord et centrale de la commune de Castex. Quelques limites de parcelles sur le cadastre dit de Napoléon daté de 1830 vont nous permettre de reconstituer approximativement les deux kilomètres manquants de la Tenarèze d’origine. C’est à partir de cette reconstitution que l’on va imaginer le scénario des origines de Castex.


Le cadastre de 1830 (Archives Départementale du Gers)
En haut le tronçon manquant de la Tenarèze - En bas la reconstitution hypothétique
La limite inférieure est la route RD3 de Miélan à Trie
La reconstitution de la partie centrale est assez simple, en interpolant plusieurs limites de parcelles. Par contre le tronçon qui va du chemin de Fau (chemin de la Bordeneuve-nord) à l'impasse de Gignoux (autrefois chemin de Miquelet) ne peut qu'être imaginé.
La formation des colonies
En dehors de la Tenarèze, il faut imaginer une serrade nord-sud dans la vallée du Bouès, depuis au moins Aux au nord, jusqu'à Antin et au-delà au sud, et une seconde serrade au-dessus de l’Osse, de Sarraguzan au sud, jusqu’à Sainte-Dode en passant par Sadeillan, puis, en direction du nord, vers Bazugues et Saint-Maur. Entre les 2èmes et 3èmes siècles, la Tenarèze reste la voie principale de circulation nord-sud du sud de l’Astarac. Les serrades, beaucoup plus tortueuses, ne sont utilisées que pour des déplacements locaux.
Ces serrades nord-sud, et la Tenarèze, étaient reliées entre elles par des chemins "de traverse", est-ouest : de Sarraguzan à Mazerolles et Antin, de Maumus à Estampures, de Sadeillan à Estampes, de Sainte-Dode à Castelfranc et Aux-Aussat-Lannefrancon.

En rouge la Tenarèze "interrompue". En jaune les serrades et chemins de traverse
Miélan figure en lieu et place du village qui a précédé la bastide du 13ème siècle
Si on se fie aux vestiges gallo-romains de Sarraguzan, on peut imaginer que le propriétaire aristocrate de la villa qui se trouvait sur le lieu où plus tard sera le village de Sarraguzan, a partagé sa propriété entre plusieurs colons qui formeront plus tard les villages et hameaux de Bernadets-Debat, Castex, Forcets, Lazies. Et ces colonies auraient été implantées très naturellement au croisement des chemins de traverse et de la Tenarèze. On verra plus tard que la seigneurie de "Miélan" jusqu’à celle de Bernadets-Debat étaient vassales de la seigneurie de Sarraguzan dans les premiers temps de la féodalité.
Ainsi le premier habitat du futur village de Castex se serait implanté au croisement de la Tenarèze et du chemin de traverse de Maumus à Estampures. Une terre a pu y être allouée à un ou à deux colons aquitains ou gallo-romains, dont les noms ont été perdus depuis longtemps. Ce scénario est au conditionnel, car aucune trace archéologique ni aucun document ne permettent de le justifier.
Si on fait l’hypothèse que le chemin qui descend le coteau du Bouès vers Estampures n’a pas évolué avant le 19ème siècle, le premier chemin de Maumus serait le chemin du Moulat. Les terres d’un premier colon ont pu être concédées au sud du chemin de Maumus-Le Moulat, celles d’un second au nord de ce chemin. On parlera ainsi du colon "du Midi" et du colon "de Douat" (du nom donné plus tard à un groupe de maisons situé à cet endroit). Leurs maisons et les masures de leurs domestiques et affranchis, ou de leurs obligés, ont été élevées le long des deux chemins, les unes coté nord, les autres coté sud. Elles ont formé peut-être le premier hameau du futur village de Castex.
On a vu dans l'article 03-02 que la christianisation de la Gascogne avait débuté à la fin du 4ème siècle. Une hypothèse voudrait qu’une chapelle primitive ait été construite entre la fin du 4ème siècle et le 5ème siècle sur une parcelle appelée encore au 17ème siècle Seindie (traduit par Saint-Dieu), située exactement au croisement de la Tenarèze et du chemin du Moulat.
Il est impossible de connaitre l'intensité du peuplement à l'époque, ni l’étendue des terres en culture par rapport aux surfaces boisées ou en landes et friches. Il ne reste rien des structures de cette époque. Aucun artefact d'origine gallo-romaine n'a été trouvé sur le territoire de Castex. Aucun toponyme du territoire de Castex n'apparait avec une origine latine ou antérieure. Cela ne signifie pas que ce territoire était vide d'hommes.

L'emplacement hypothétique des deux colonies (ovales couleur bordeaux) à l'origine du village de Castex, au nord et au sud du chemin de Maumus à Estampures (en jaune)
Un nouveau colon barbare
A Castex, tous les toponymes que l'on trouve dans le livre terrier de 1729 ou dans la reconnaissance féodale de 1778 sont d'origine gasconne, donc au mieux du 8ème siècle, sauf un. Un des quartiers de Castex porte en effet aujourd'hui le nom de Gignoux. Jusqu'au premier tiers du 20ème siècle on écrivait non pas Gignoux, mais Ginoux, et au 18ème siècle Ginoux ou Ginous, prononcé Ginouss, ou Ginoush.
Or le mot de Ginoux n'est ni d'origine latine, ni d'origine gasconne. Selon les linguistes, Ginoux est formé à l’origine des mots Genos (de la famille de -) et Wulf (Loup), qui a donné le nom de Genulphe (« u » prononcé « ou », donc Génoulfé). C’est un nom de personne, de racine celto-germanique, donc wisigothe ou franque. Le mot Genulphe a ensuite évolué en Genou, puis en Ginoux.
On peut alors imaginer qu'au 5ème siècle, le propriétaire gallo-romain dont la villa se trouvait sur le futur territoire de Sarraguzan, a pu allouer une partie du futur territoire de Castex, au nord des terres des deux premières colonies, à un colon wisigoth appelé Genulphe. La propriété de ce Genulphe a pris le nom de A Genoulphe, peu à peu "simplifié" en Genous, puis en Ginoux.

L'emplacement des trois colonies hypothétiques du 5ème siècle (ovales couleur bordeaux)
Selon une autre hypothèse ce Genulphe aurait pu être non pas un colon wisigoth, mais un colon franc arrivé plus tard, après l'expulsion des Wisigoths vers la péninsule ibérique, comme on le verra dans l'article suivant. J'ai préféré l'hypothèse Wisigoth car la présence de colonies wisigothes est avérée dans le secteur de Castex.
Comment les colons wisigoths ont-ils été accueillis ? Certainement comme des intrus qui n’étaient pas les bienvenus. Peut-être y a-t-il eu des actes hostiles. On peut certainement considérer qu’à la troisième génération, cette hostilité, cette méfiance face aux "immigrés" avaient disparu. Des mariages "mixtes" sont venus plus tard.
S'il en est ainsi, Ginous a pu former un second hameau sur le territoire de Castex, et le nom de Ginoux pourrait être la trace la plus ancienne du village de Castex. Mais au 5ème siècle on ne parle pas encore de village. On verra plus loin pourquoi et comment le village en devenir a pris plus tard le nom de Castets ou Casteths.