Dans courant du 13ème siècle, les seigneurs ont dû accorder des coutumes écrites aux communautés des bastides, puis des villages. A son tour Bernard VI, comte d’Armagnac, dû concéder en 1286 à ses vassaux une charte de coutumes définissant ses droits et leurs privilèges, où l’on voit que le comte d’Armagnac fut contraint de faire des concessions à ses vassaux les plus puissants. Précaution ou défiance de ces vassaux, la charte a été rédigée par un notaire de la curie du Sénéchal de Toulouse et non pas par un notaire du comte d'Armagnac.
Voici un extrait de cette charte qui compte un total de 46 articles, proposé par Zacharie Baqué (1881-1950) dans son Histoire des Comtes d’Armagnac (BSAG-janvier 1945 sur Gallica.bnf.fr). J'y ai apporté quelques compléments tirés du texte complet en latin qui se trouve dans l’Histoire de la Gascogne de l’abbé Monlezun (tome 6). Les chiffres entre crochets renvoient aux notes de bas de page.
- Le comte a le droit de nommer les officiers de finance et d’administration du comté ;
- Le comte a le droit exclusif de battre monnaie ;
- Le comte accorde à treize de ses vassaux[1]le droit de justice haute, moyenne et basse[2], et le droit d’élever sur leurs terres des fourches patibulaires[3];
- Les seigneurs du comté dotés de fiefs[4] n’ont que le droit de justice basse et moyenne sur leurs tenanciers. La justice haute y est du ressort exclusif du comte ;
- Les seigneurs qui ne possèdent que des honneurs, que le service de l’ost, ou des fiefs constitués exclusivement de terres nobles n’ont que le droit de justice basse ;
- La justice concernant les nobles relève exclusivement de la justice du comte ;
- La justice comtale est rendue à Vic-Fezensac par un sénéchal nommé par le comte assisté par deux seigneurs ou deux bourgeois selon le rang des accusés ;
- Les bourgeois et les tenanciers doivent être jugés dans la seigneurie de leur domicile, sauf accord du seigneur de leur communauté ;
- Il est interdit de se faire justice soi-même ;
- En cas de guerre il est interdit de détruire les maisons, les moulins, les arbres, les vignes, et les cultures. En cas d’infraction le coupable doit payer le double de la valeur des dégâts sans préjudice de l’amende ;
- Le comte accorde à tous ses vassaux, nobles et tenanciers le droit de couper de l’herbe, de ramasser le bois mort et les glands, ainsi que le droit de faire pâturer dans tous ses domaines ;
- Aucun tenancier ne pourra posséder plus de deux vaches, aucun chevalier ou noble ne pourra détenir plus de 6 vaches. Celui qui en posséderait davantage devra payer une amende de 4 deniers Morlaas[5] par tête excédentaire. Le seigneur pourra prendre en gage une bête excédentaire qui aurait brouté l’herbe sur ses terres jusqu’au paiement de l’amende de 4 deniers[6].
- Chacun a le droit de pêcher et de chasser au furet ou au filet dans ses propres terres. La chasse au faucon est réservée aux nobles. Le fait de chasser sur les terres d’autrui sera puni d’une amende de 20 à 70 sous Morlaas ;
- Lorsque le comte fonde un village ou une bastide, il ne peut concéder aux habitants que ses propres terres ou celles de seigneurs consentants. Le comte ne peut bâtir une fortification sur les terres d’un seigneur sans son consentement ;
- Le comte a le droit d’accorder à ses sujets des foires et des marchés, de poinçonner de sa marque les poids et mesures.
[1] Les treize vassaux sont les seigneurs de Montaut, de Montesquiou, de l’Ile d’Arbéchan (depuis Ile de Noé), de Betbézé, de Lagraulet, de Lavraët, de Marambat, de Gondrin, de Marsan, de Maignaud, de Bonas, de Rozès, et de Préneron.
[2] La justice basse concerne les méfaits et délits dont l’amende ne dépasse pas 5 sous Morlaas, la justice moyenne 65 sous Morlaas. Si on interjette appel en justice basse, l’affaire est rejugée en justice haute et non moyenne.
[3] La fourche patibulaire est une potence où l’on expose le corps des pendus à la vue des passants. Les treize vassaux ont, en vertu du droit de justice haute, le droit de condamner à mort
[4] Par opposition à l’article suivant il s’agit ici de fiefs comportant des tenanciers. Les fiefs ne comportant que des terres nobles n’ont pas de tenanciers.
[5] On constate que le comte se donne le droit de battre monnaie mais les amendes sont données en sous et deniers Morlaas, la monnaie frappée par le vicomte de Béarn.
[6] Aucune raison n'est donnée à ce contingentement des vaches et je n'ai pas trouvé d'explication.